Un magazine local l’a récemment affiché au travers de sa couverture, en lettres d’or: « Bombay, la cité des rêves ».
Ce dimanche après-midi, en me rendant au cinéma, j’ai vu une famille entassée sur une natte jaune paille déroulée à même le trottoir. Deux sachets en plastique noir rassemblaient vraisemblablement toutes leurs possessions. Une fillette de 5 ou 6 ans, à la robe trop grande – les vêtements de ces enfants sont souvent ou trop grands, ou trop petits – tirait sur le coude de son père, dans l’intention de le réveiller. Il a ouvert des yeux verts très clairs, il lui a souri et l’a attirée vers lui, la nichant sous son bras, entre son corps et celui de sa femme endormie. Il y avait dans le geste, le regard de cet homme de la tendresse et j’ai cru y voir oui de l’espoir. Le temps de cette sieste, il avait, serrées contre lui, en sécurité, celles qui comptaient.
J’ai pensé aux rêves de ces milliers de familles qui arrivent chaque jour à Bombay comme vers un mirage, qui s’entassent sur un coin de trottoir, pour y gagner leurs deux repas par jour. Ce qu’ils y trouvent est-il à la hauteur de leurs rêves ?
Beaucoup leur reprochent d’être responsables des problèmes de Bombay. Des amis indiens, qui ne semblent pas sans coeur, m’ont dit: « le problème, ce sont ces gens sans aucune hygiène, ils salissent la ville et font exploser nos infrastructures », « il faudrait interdire aux nouveaux-venus de s’installer à Bombay, à moins qu’ils ne puissent justifier d’un travail », « si les immigrants continuent à arriver chaque jour ainsi, Bombay ne s’en sortira jamais. »
Les journaux ont un terme pour les désigner, les « pavement-dwellers », les habitants des trottoirs. Parfois, ils se font écraser dans leur sommeil, par des voitures dont le conducteur a perdu le contrôle.
J’ai été témoin du même tableau à Istanbul. J’aurais voulu posséder des milliards pour pouvoir aider tous les nécessiteux que je croisais.
Apprendre à les oublier aussi tôt qu’ils disparaissaient de ma vue, c’est tout ce que j’ai pu faire.